10 mars 2017

Pour-Contre isolation façades anciennes

Anne-Claire Genthialon

Publié sur Le Parisien Magazine

Joël Vormus, directeur adjoint du Cler, Réseau pour la transition énergétique (Montreuil) et Philippe Toussaint, président de l’association Vieilles Maisons françaises et du G8 Patrimoine (Paris).Olivier Roller

Une « disparition des paysages ». Des bâtiments « en danger ». Depuis la publication, le 30 mai dernier, d’un décret sur les « travaux embarqués », les associations de défense du patrimoine ne cessent de prédire un péril architectural. Ce texte, qui découle de la loi sur la transition énergétique de 2015, prévoit qu’à partir du 1er janvier 2017 tous les bâtiments qui doivent faire l’objet de rénovations importantes seront soumis simultanément à des travaux d’isolation thermique. En cas de ravalement de façade, les propriétaires devront procéder à une isolation par l’extérieur. Si le texte contient des dérogations, notamment en cas de « dégradation architecturale » ou de modification de « l’aspect de la construction », celles-ci ne satisfont pas les associations de défense du patrimoine. La SPPEF (Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France) réclame que des « catégories de bâtiments » soient définies par date ou par matériau dans le décret afin de « délimiter strictement son champ d’application ». Le 24 octobre dernier, c’était au tour de l’Académie des beaux-arts de l’Institut de France de demander l’abrogation du texte.
Le décret sera réécrit pour la fin de l’année

Face à la polémique, le ministère de l’Ecologie et du Développement durable a annoncé la réécriture du décret afin qu’il soit plus lisible d’ici la fin de l’année. De leur côté, les associations de défense du patrimoine se réservent le droit de porter l’affaire devant la justice administrative si les modifications apportées ne répondent pas à leurs demandes.

POUR – « C’est l’occasion d’améliorer le confort et de faire des économies d’énergie » : Joël Vormus, directeur adjoint du Cler, Réseau pour la transition énergétique (Montreuil).

1. Appliquer la loi.

L’application de ce décret devrait permettre aux citoyens les plus touchés par la difficulté à chauffer leur logement d’améliorer leur confort, leur santé et leurs économies. Si l’on modifie sans cesse des textes qui ont fait l’objet de concertations, notamment avec les associations de conservation du patrimoine, nous ne réussirons pas à baisser notre consommation d’énergie de 20 % d’ici à 2030, comme le prévoit la loi de transition énergétique.

2. Un parc ancien plus énergivore.

La moitié des immeubles anciens sont classés F ou G, les deux catégories les moins performantes en termes de consommation d’énergie. C’est le parc de bâtiments le plus problématique! Les dispositions qui protègent le patrimoine sont déjà excessives : on exclut trop de bâtiments. Ravaler sans isoler est un non-sens : on perd l’occasion de faire des économies.

3. Préserver l’esthétique.

Du vieux corps de ferme à l’immeuble de centre-bourg, de nombreux bâtiments anciens ont déjà été rénovés sans que leur esthétique en pâtisse! Les techniques et les compétences existent. Elles ne sont pas suffisamment mises en œuvre du fait de la méconnaissance des artisans et d’un manque d’accompagnement des consommateurs.

CONTRE – « On gomme les spécificités architecturales régionales et les paysages de notre pays » : Philippe Toussaint, président de l’association Vieilles Maisons françaises et du G8 Patrimoine (Paris).

1. Des qualités spécifiques.

Nous ne remettons pas en cause l’amélioration énergétique, mais nous demandons une prise en compte des qualités spécifiques de l’ancien. Avant 1948 (tout bâtiment construit avant cette date est considéré comme ancien, NDLR) et la généralisation du béton, les murs étaient en pierre, en brique, en mortier. Des matériaux qui possèdent des qualités bioclimatiques naturelles qu’il faut simplement améliorer.

2. Un coût inutile.

Les exceptions prévues par ce texte concernent au mieux 40 000 bâtiments et 800 secteurs protégés. Or nous comptons près de 10 millions de maisons datant d’avant 1948 ! Si le propriétaire souhaite échapper à cette obligation, il doit le justifier en faisant appel à un architecte. Pourquoi mettre à la charge du propriétaire le coût d’une démonstration inutile?

3. La France va s’enlaidir.

L’isolation thermique extérieure masque les façades et change l’aspect du bâtiment. On gomme les spécificités architecturales régionales et les paysages de notre pays. Cette technique empêche également les murs de respirer et risque de mettre en danger le bâti. Il existe d’autres méthodes plus efficaces pour l’ancien, comme l’isolation des toitures sous la charpente.

20 : C’est, en millions, le nombre de logements mal isolés et peu performants en France.

900 : C’est, en euros, le montant moyen de la facture annuelle de chauffage par ménage.

56 % des logements français ont été construits avant 1975.

53,6 : C’est le pourcentage des résidences principales qui ont une étiquette énergie D ou E (sur une échelle qui va jusqu’à G).

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